La petite affaire de la famille Chimot, montée au tout début du XXe, a dépassé le siècle d’existence. Aujourd’hui dirigée par Joëlle et Pierre Gœthals, la briqueterie marlysienne, restée dans son jus, cultive le charme de l’ancien. C’est même le secret de sa longévité.
Publié dans la Voix du Nord le 18/08/2019 - PHOTOS SAMI BELLOUMI
Monsieur le Maire, Fabien Thiémé et la Municipalité saluent les propriétaires de cette entreprise artisanale - une des dernières briqueteries traditionnelles du Nord de la France - qui travaillent sur le même mode artisanal qu'il y a cent ans ou presque.
MARLY.
La haute cheminée aperçue depuis la rue de Romainville se dévoile, anachronique et charmante, au bout d’une voie pavée. Elle fume toujours et surplombe un four aussi vieux qu’elle, bâti en 1904 par la famille Chimot pour répondre aux besoins colossaux du chantier de l’église Saint-Michel, à Valenciennes. Un an durant, la production de l’usine marlysienne n’a servi qu’à la construction de l’édifice religieux, soit quatre millions de briques.
Nous n’avons de toute façon pas les moyens de nous battre contre les gros monstres de la briqueterie.
Un siècle s’est écoulé, rien n’a changé. Ou presque. La briqueterie – labellisée il y a cinq ans entreprise du patrimoine vivant – est dirigée depuis 1985 par Joëlle et Pierre Gœthals. Rester positionnée sur un marché de niche (celui de la fabrication traditionnelle) permet à la PME d’une vingtaine de salariés de tirer son épingle du jeu et de traverser les décennies. « Nous n’avons de toute façon pas les moyens de nous battre contre les gros monstres de la briqueterie. » À Marly, la production atteint les 300 000 briques par mois « quand d’autres en fabriquent 250 000 par jour ».
Lorsqu’ils l’ont reprise, les Gœthals racontent avoir trouvé une affaire moribonde, relevée grâce « aux négociants qui (leur) ont fait confiance ». Aujourd’hui, la société enregistre un chiffre d’affaires « stable » d’1,7 million d’euros par an. Le vieux four, toujours alimenté au charbon (de Colombie), « donne aux briques un cachet qui permet de les vendre plus cher ». Environ 80 % de la production est employée sur des chantiers de rénovation.
Si la gamme s’est quelque peu étoffée (des plaquettes de parement et quatre sortes de briques, contre deux avant le rachat de l’usine par les Gœthals), l’installation n’a que très peu évolué depuis 1904. Pour dompter les éléments et la cheminée, un ventilateur artificiel a été installé en 1982. « C’est un four au gaz qui cuit les plaquettes, à raison de 9 000 par semaine. », complète Pierre Gœthals. L’automatisation n’a cependant pas franchi les portes de la briqueterie. Chez Chimot, « tout est fait à la main », du démoulage au conditionnement. « On a gardé l’esprit de l’ancien, mais c’est un métier physique, difficile. »
QUATRE MILLIONS DE BRIQUES PAR AN
Des wagons qui pèsent plus d’une tonne sont poussés par des gaillards costauds dans les entrailles encore chaudes et poussiéreuses du four Hoffmann, tandis que d’autres se chargent de sortir la fournée précédente. Quatre millions de briques sont produites chaque année. À l’étage, des cuiseurs se relaient jour et nuit au chevet d’un feu qui n’a pas faibli depuis maintenant six ou sept ans. À Marly, le passé industriel crépite encore.
La briqueterie Chimot, dirigée par la famille du même nom jusqu’en 1985, a plus d’un siècle. Aujourd’hui dirigée par Joëlle et Pierre Gœthals, elle restée dans son jus et nous livre quelques-uns des secrets de fabrication d’une brique.
Entre autres réalisations dues à Chimot, l’église Saint-Michel de Valenciennes, pour laquelle 4 millions de briques ont été produites en 1904, l’équivalent de la production annuelle actuelle.
Omar et Dominique s’occupent de défourner les briques cuites. Derrière eux, à quelques mètres, Jean-Louis et Philippe chargent la prochaine fournée.
Le taux de briques cassées lors de la cuisson n’excède pas les 5 %.
Quarante à 45 wagons de 400 briques sont enfournés chaque jour dans le four, qui peut en contenir 280 000. Disposées avec soin par Philippe et Jean-Louis pour permettre au feu de les traverser, elles vont patienter une dizaine de jours avant cuisson.
Les voies d’accès au four sont fermées, colmatées avant le passage du feu... puis rouvertes une fois la cuisson terminée.
Juste au-dessus de ses collègues qui enfournent et défournent, Hicham, l’un des cuiseurs, veille sur les 28 marmites remplies de charbon, qui alimentent le feu.
Le feu, nourri au charbon, se déplace à l’intérieur du four et en fait le tour complet (soit 83 mètres) en trois semaines et demie.
Hicham, l’un des cuiseurs, doit ajuster en permanence l’intensité du feu, qui se déplace juste en dessous dans une sorte de galerie circulaire où cuisent les briques.
Les marmites qui l’alimentent sont déplacées au fur et à mesure. « C’est comme une vague, ça pousse, ça pousse », dit-il.
Le feu vu du dessus, depuis l’un des trous où sont insérées les marmites qui entretiennent le foyer en charbon.
La terre utilisée pour la fabrication des briques Chimot, légèrement argileuse, est extraite des parcelles agricoles alentour. Les cultivateurs sont indemnisés.
Pressée à 4 tonnes puis démoulée, la brique est entreposée durant trois jours dans un séchoir, avant d’être passée au four.
Sébastien et Steven récupèrent les plaquettes, en sortie de presse. Elles sont ensuite cuites dans un four à gaz, contrairement aux briques.
Rien n’est ajouté à la terre, si ce n’est un peu d’eau. La briqueterie est équipée de deux cuves de récupération qui, lorsqu’elles sont pleines, offrent une réserve de 80 000 litres d’eau.